Qu'il soit chirurgical ou en bec de canard, rose bleu, vert, assorti à un sac ou à une cravate, chacun porte son masque en se demandant jusqu'où ira la mascarade.
Nous ne communiquons plus qu'à moitié.
Certes, bleu d'azur, de jais, clairs, foncés, pers, marrons, noisette, qu'ils soient durs, coquins, étonnés, froids, ingénus, narquois, profonds, rieurs, les yeux nous parlent.
On voit la paille dans ceux du voisin même s'il s'en bat l'oeil ou qu'il rétorque: " l'essentiel aujourd'hui, c'est d'avoir bon pied, bon oeil et d'éviter d'avoir froid aux yeux.
Mais le regard, capable de suppléer à ce qu'on ne peut dire, ne peut s'opposer à une langue qui se tire, à des lèvres qui se froncent, se pincent ou se mordent. Masqué, comment rester suspendu aux lèvres d'un ami ou permettre à un malentendant de lire sur les lèvres?
Outre le plaisir d'admirer une bouche aux dents blanches, rose, rouge, de corail, provocante ou gourmande, en coeur ou en cul de poule, il nous ôte le pouvoir... d'embrasser! Or, comment mieux communiquer que par l'intermédiaire d'un baiser?
Celui qui a dit " le monde est un grand bal où tout le monde est masqué " ne croyait pas si bien dire.
Vienne le temps où nous pourrons tomber le masque même si, comme par le passé, nous nous efforcerons de rester déguisés,
de peur d'être démasqués.